Migraine Hémiplégique Familiale et Maladies Apparentées

Définition

La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une variété héréditaire de migraine avec aura. La migraine est une céphalée évoluant par crises, entre lesquelles le patient est en parfaite santé. La classification de l’International Headache Society (IHS) distingue deux variétés principales de crises : la migraine sans aura (MSA) et la migraine avec aura (MA) au cours de laquelle la céphalée est précédée ou accompagnée de symptômes neurologiques transitoires visuels, sensitifs, aphasiques (troubles du langage) et rarement moteurs.

La MHF est définie par la présence d’un déficit moteur au cours de l’aura, associé à au moins un autre symptôme (visuel, sensitif, aphasique) et par l’existence d’une migraine hémiplégique (MH) chez au moins un apparenté au premier ou au second degré. 2 Plus de 150 familles de MHF ont été rapportées dans la littérature depuis 1910. Leur description permet de distinguer les familles atteintes de « MHF pure » des familles atteintes de « MHF avec signes cérébelleux permanents » dans lesquelles certains patients ont une ataxie et/ou un nystagmus. Il existe également des cas sporadiques de MH pure ou avec signes cérébelleux. Auparavant, ces patients étaient classifiés comme atteint de migraine avec aura typique ou de migraine avec aura prolongée.

En 2004, la seconde version de la Classification Internationale des Céphalées a reconnu la migraine hémiplégique sporadique (MHS) comme étant un sous-type particulier de migraine avec aura.

Critères diagnostiques de MH de l’IHS

A.
Au moins deux crises satisfaisant les critères B et C.
B.
Aura comportant un déficit moteur entièrement réversible et au moins l’un des signes suivants :
  1. signes visuels entièrement réversibles incluant des éléments positifs (phosphènes, taches ou lignes lumineuses) et/ou négatifs (perte de vision)
  2. symptômes sensitifs entièrement réversibles subjectifs (fourmillements) et/ou objectifs (hypoesthésie)
  3. des troubles du langage de type dysphasique entièrement réversibles
C.
Au moins 2 des caractéristiques suivantes :
  1. l’un des symptôme de l’aura au moins s’installe progressivement en >= 5 minutes et/ou les différents symptômes de l’aura s’installent successivement >= 5 minutes.
  2. chaque symptôme de l’aura dure >= 5 minutes et <24 heures
  3. céphalée satisfaisant les critères B-D de la migraine sans aura (item 1.1) commençant pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant la fin de l’aura.
D.
Au moins un apparenté au premier ou au second degré a eu des crises satisfaisant les critères A-E.
E.
Au moins l’un des caractères suivants :
  1. l’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas de désordre organique
  2. l’histoire, l’examen physique et neurologique suggèrent un désordre organique, mais celui-ci est écarté par la neuroimagerie ou tout autre procédé de laboratoire
  3. un désordre organique existe mais les crises migraineuses ne sont pas apparues pour la première fois en liaison temporelle avec celui-ci

Epidémiologie

Une étude réalisée en population générale au Danemark a permis d’estimer la prévalence de la MH à 1 cas sur 10.000, avec une fréquence égale de cas familiaux et sporadiques.

La prévalence de la MHF au Danemark est donc voisine de  5 cas pour 100.000 habitants. Elle est probablement voisine dans les autres pays. Dans cette étude danoise, 147 patients atteints de MHF ont été identifiés faisant partie de 44 familles. Des signes cérébelleux permanents ont été retrouvés dans 2 des 44 familles (4,5%).

La MHS a aussi une prévalence de 5 cas sur 100.000 habitants en population. Les cas de MHS se répartissent en deux groupes. Certains sont liés à une mutation d'un des gènes de la MHF (mutation « de novo » absente chez les parents biologiques ou mutation transmise par un parent porteur sain). D’autres cas sporadiques se rapprochent probablement des variétés plus habituelles de migraine avec aura et sont d'origine multifactorielle avec intrication de facteurs environnementaux et de facteurs génétiques complexes. Les cas de MHS peuvent être « purs » ou avec signes cérébelleux permanents.

Description clinique

Les crises de migraine hémiplégique sont des crises de migraine avec aura motrice. Le déficit moteur est toujours associé à au moins un autre symptôme avec par ordre de fréquence : les troubles sensitifs (98%), les troubles visuels (89%) et les troubles du langage (79%).

L’aura débute le plus souvent par les troubles sensitifs ou visuels. La sévérité du déficit moteur est variable, de la simple lourdeur d’un membre, à l’hémiplégie flasque. Les troubles sensitifs sont souvent ressentis au niveau des régions déficitaires et comportent des signes subjectifs (paresthésies, parfois douleurs) et objectifs (hypoesthésie superficielle et/ou profonde). Le déficit sensitivomoteur peut être uni- ou bilatéral. Lorsqu’il est unilatéral, il concerne au moins le membre supérieur et peut respecter la face et/ou le membre inférieur. De nombreux patients (30 à 59%) affirment que l’hémiplégie concerne toujours le même hémicorps, alors que d’autres décrivent une alternance ente côté droit et gauche selon les crises. Le déficit sensitivomoteur est bilatéral chez 25-49% des patients, un côté après l’autre ou les deux côtés en même temps. Les troubles du langage surviennent indépendamment du côté du déficit moteur et incluent une dysarthrie, une réduction de la fluence verbale et moins fréquemment, des paraphasies. Les troubles de la compréhension sont rares (10%). Les signes visuels sont souvent négatifs (hémianopsie latérale homonyme, floue visuel) mais des signes positifs sont également rapportés (scotome scintillant, phosphènes). En plus de ces quatre symptômes principaux, jusqu’à 70% des patients signalent des “signes basilaires” : vertige, instabilité, diplopie, acouphènes, baisse de l’audition, confusion ou perte de connaissance. La durée moyenne de l’aura est de 1 à 6 heures, mais peut varier de 10 minutes à 2 ou 3 jours.

La céphalée s’installe généralement après la disparition de l’aura, mais peut la précéder ou bien s’installer en même temps. Environ 95% des patients ont une céphalée lors de chaque crise de MH, 4% ont parfois une céphalée et 1% n’en ont jamais. La céphalée dure quelques heures à quelques jours et peut être bilatérale ou unilatérale et, dans ce cas, homolatérale ou controlatérale au déficit moteur. Son intensité varie de la gène modérée à la douleur insupportable. Les signes d’accompagnement ne diffèrent pas de ceux observés lors d’autres formes de migraine: nausées, vomissements, photophobie, phonophobie ou pâleur.

Environ 2/3 des patients signalent un ou plusieurs facteurs déclenchants des crises de MH, les plus fréquents étant le stress et les traumatismes crâniens bénins. Moins de 10% des patients incriminent les facteurs habituellement retrouvés dans les autres formes de migraine comme les facteurs diététiques ou climatiques, les simulations visuelles ou auditives ou encore les périodes menstruelles.

D’autres types de crises de migraine peuvent alterner avec les crises de MH : de 10 à 60% des patients atteints de MHF ont aussi des crises de migraine avec aura sans déficit moteur.

La MHF se caractérise par une grande variabilité clinique. L’ordre d’apparition,  la progression, la topographie, l’intensité et la durée des différents symptômes de l’aura, ainsi que les caractéristiques des céphalées, peuvent varier d’une crise à l’autre chez un même patient, entre les différents apparentés atteints d’une même famille ou entre familles différentes.

Les crises sévères de migraine hémiplégique. En plus de leurs crises habituelles, environ 40% des patients ont au moins une crise sévère avec aura prolongée (jusqu’à plusieurs semaines), confusion, hyperthermie jusqu’à 41°C, signes méningés et troubles de la conscience allant de l’obnubilation au coma profond. Chez certains patients, le coma profond s’accompagne d’une défaillance respiratoire nécessitant une ventilation artificielle. Des crises épileptiques peuvent survenir: crises généralisées, clonies hémicorporelles et parfois même état de mal partiel. Enfin, des cas de confusion persistante avec agitation, délire, hallucinations visuelles et auditives ont été rapportés. La moitié de ces épisodes inquiétants et dramatiques surviennent avant l’âge de 20 ans et sont alors souvent inauguraux et de diagnostic difficile. Ils peuvent être déclenchés par un traumatisme crânien mineur. Les symptômes régressent le plus souvent spontanément en quelques jours ou semaines sans séquelles cliniques ni radiologiques (TDM et IRM). Chez quelques patients, la récupération est plus longue avec persistance de troubles du langage, de troubles mnésiques et de difficultés de concentration pendant plusieurs mois. Quelques cas de décès au cours d’ une crise sévère de MH ont été publiés. La survenue d'une crise sévère nécessite donc toujours une hospitalisation, la réalisation systématique d'examens complémentaires pour rechercher et éliminer une autre cause et à la mise en route éventuelle d'une réanimation appropriée.

D’autres manifestations cliniques peuvent être observées au cours de la MHF. Les signes cérébelleux permanents sont les plus fréquents. Ils sont rapportés chez 20% des familles publiées dans la littérature (biais probable) mais sont observées dans 4,5% seulement des familles dans les études en population. Dans ces familles, le syndrome cérébelleux est transmis avec la MHF mais a une pénétrance inférieure: un nystagmus (horizontal, vertical ou multidirectionnel) est retrouvé chez environ 75% des patients et une ataxie stato-kinétique modérée et lentement progressive chez 40% d’entre eux. Les signes cérébelleux peuvent être la seule manifestation de la maladie. L’âge de début de ces troubles est difficile à préciser. Le nystagmus et l’ataxie peuvent être constatés avant la première crise de MHF, et l’évolution de l'ataxie semble indépendante de la fréquence et de la sévérité de ces crises. La sévérité de l’ataxie reste généralement compatible avec une marche autonome. Chez certains patients, l’imagerie cérébrale montre une atrophie cérébelleuse prédominant sur la partie antérieure du vermis.

D’autres associations sont possibles: un tremblement essentiel, des troubles cognitifs chez l’adulte et un retard mental chez l’enfant ont été observés chez plusieurs patients dans plusieurs familles. Une épilepsie (crises généralisées ou partielles) peut être associée à la MHF, les crises épileptiques survenant soit au cours des crises de MH sévères soit en dehors. Diverses associations ont été publiées : MHF et convulsions infantiles bénignes familiales dans une famille; MHF, épilepsie et amauroses transitoires (baisses d’acuité visuelle) répétées dans une autre famille.

De façon générale, sur le plan évolutif,  les premières crises apparaissent en moyenne vers 12 ans, mais des débuts précoces avant 2 ans ou, au contraire, très tardifs (75 ans) ont été rapportés. La fréquence des crises varie de plus d’une par semaine à quelques-unes au cours de la vie, avec une moyenne de 3 à 4 par an, et semble plus élevée à certaines périodes, surtout entre 5 et 25 ans. Chez certains patients, la fréquence peut varier de crises quotidiennes, surtout au début de l’évolution de la maladie, à des intervalles libres de plusieurs années. La récupération complète est la règle après une crise. La grande majorité des patients interrogés au cours des études de famille mènent  une vie normale. Cependant chez certains patients, des troubles du langage, de la concentration ou de la mémoire persistent plusieurs jours ou semaines jusqu’à récupération. Les formes sévères sont rares et apparaissent le plus souvent dés l’enfance, sans progression nette avec l’âge.

Etiologie/physiopathologie

La MHF est une maladie génétique, autosomique dominante. La maladie est donc transmise aussi bien par les pères que par les mères et 50% des descendants héritent du gène muté. La pénétrance des crises de MH est incomplète (environ 90%), par conséquent des sauts de génération sont possibles et l’histoire familiale est parfois difficile à mettre en évidence.

La MHF est hétérogène sur le plan génétique et les trois gènes identifiés codent pour des transporteurs ioniques, faisant de la MHF une maladie du transport ionique cérébral.

Le premier gène identifié, CACNA1A, est localisé sur le chromosome 19p13 et code pour la sous-unité 1A des canaux calciques neuronaux Cav2.1 (ou de type P/Q). CACNA1A est impliqué dans 40-50% des familles de MHF publiées (MHF1) et dans la majorité des familles atteintes de  MH avec signes cérébelleux permanents. Les canaux Cav2.1 sont exprimés au niveau des terminaisons présynaptiques où ils modulent la libération de neurotransmetteurs incluant les monoamines, l’acétylcholine, le glutamate et le CGRP. Différentes mutations de CACNA1A sont associées à différentes maladies neurologiques : la MHF1 est liée à des mutations de type « gain de fonction » qui modifient les propriétés des courants calciques Cav2.1, d’autres mutations de CACNA1A sont impliquées dans l’ataxie paroxystique de type 2 et enfin, une expansion d’un triplet CAG est responsable d’une ataxie cérébelleuse progressive (SCA6). Certaines mutations sont associées à des formes de MHF pure peu sévère (par exemple R192Q) et d’autres à l’existence de signes cérébelleux permanents et à la présence de crises sévères avec œdème cérébral (S218L).

Sur le plan électrophysiologique, les mutations responsables de la MHF1 abaissent le seuil d’activation des canaux Cav2.1 et augmentent leur probabilité d’ouverture. Ces mutations abaissent le seuil d’apparition de la dépression corticale envahissante dont la vitesse de propagation est ensuite augmentée.

Le second gène identifié, ATP1A2, est localisé sur le bras long du chromosome 1q23 et code pour la sous-unité 2 d’une pompe Na+ /K+ ATP dépendante. Il est impliqué dans environ 20% des familles de MHF (MHF2). Cette pompe utilise l’hydrolyse de l’ATP pour faire rentrer du K+ dans la cellule en échange du Na+ contre les gradients transmembranaires. Le maintien d’un fort gradient transmembranaire de sodium est essentiel pour le transport des acides aminés (par exemple le glutamate) et du calcium. Chez les nouveaux-nés, la sous-unité 2 est exprimée majoritairement dans les neurones alors que chez l’adulte, elle est exprimée principalement dans les astrocytes. Les mutations responsables de la MHF2 entraînent par divers mécanismes une diminution de l’activité de pompage dans les cellules gliales avec une baisse de la recapture de glutamate et de K+ dans la fente synaptique, augmentant probablement l’excitabilité neuronale. La variabilité clinique de MHF2 est aussi importante que celle de la MHF1 avec possibilité de crises sévères avec coma et association chez certains patients à un retard mental. De plus, deux caractéristiques de la MHF2 semblent se dégager : la pénétrance de la MHF2 est inférieure  à celle de la MHF1 (tous les sujets porteurs de la mutation n’expriment pas la maladie), l’épilepsie semble plus fréquemment associée à la MHF2 qu’à la MHF1. Quelques cas associés à une ataxie cérébelleuse permanente ont été observés. Néanmoins, la fréquence de ces signes cérébelleux permanents reste nettement inférieure dans la MHF2 que dans la MHF1.

Le troisième gène SCN1A, est localisé sur le chromosome 2q24 et code pour un canal sodique voltage dépendant neuronal. SCN1A ne semble pas être impliqué dans un grand nombre de familles (MHF3). Une seule mutation a été analysée sur le plan électrophysiologique : sa présence augmente l’excitabilité neuronale.

Enfin, certaines familles  de MHF ne sont liées à aucun de ces trois loci, démontrant l'existence d'au moins un quatrième gène différent.

La sensibilité à la DCE pourrait être le dénominateur commun des crises de MHF.18 En effet, les mutations de trois transporteurs ioniques complètement différents dont deux canaux neuronaux et une pompe gliale entraînent les mêmes conséquences : une augmentation de K+ et de glutamate dans la fente synaptique responsables d’une hyperexcitabilité neuronale. Cette hyperexcitabilité pourrait rendre le cerveau des patients plus susceptible à la survenue de DCE prolongées et donc à la survenue d’auras complexes et prolongées.

Diagnostic (méthodes/critères)

Le diagnostic positif de MHF chez un cas index repose sur l’identification d’un apparenté ayant le même type de crises. En raison de la pénétrance incomplète de la maladie, l’histoire familiale doit être recherchée à la fois pour les apparentés au premier degré mais aussi ceux au second degré. Lorsque l’histoire familiale est négative, le diagnostic de migraine hémiplégique ne peut être éliminé : il peut s’agir d’une MHS. Enfin, une crise de migraine avec aura motrice peut occasionnellement se produire chez un patient ayant habituellement des crises de migraine avec aura typique non-hémiplegique ou de migraine sans aura. Les relations entre ces cas et la MHF ou la MHS sont mal connues.

Le diagnostic définitif de MHF ou de MHS requiert la survenue d’au moins deux crises distinctes. Lors de la première crise, aucun diagnostic définitif ne peut être porté. Lorsqu’un patient est hospitalisé pour un premier épisode de déficit moteur avec ou sans céphalée, toutes les causes possibles doivent être recherchées (vasculaires, infectieuses, inflammatoires, toxiques, etc.). Une imagerie cérébrale (scanner puis IRM) est indispensable ainsi qu’un EEG, une analyse du LCR et des tests sanguins complets. Ces examens complémentaires peuvent être anormaux lors des crises sévères de MH (tableau 2).

Anomalies compatibles avec le diagnostic de MHF/MHS

Scanner cérébral IRM

  • Au cours d’une crise sévère : oedème cérébral avec gonflement du ruban cortical lors des crises sévères.
  • En dehors des crises : parenchyme cérébral normal.
  • Atrophie cérébelleuse prédominant sur la partie antérieure du vermis

Electro-encéphalogramme

  • Au cours des crises : ondes lentes diffuses prédominant à l’hémisphère controlatéral au déficit ; parfois ondes pointues périodiques ou dysrythmie.
  • Anomalies pouvant persister des semaines après une crise sévère.

Liquide cérébrospinal

  • Au cours d’une crise sévère : méningite aseptique (12-290/mm3) lymphocytaire, parfois formule panachée ou à prédominance polynucléaire.
  • Protéinorachie modérément élevée (jusqu’à 1 g /l)
  • Glycorachie normale

Doppler transcrânien

  • Accélération diffuse ou localisée des vitesses intracrâniennes

Si toutes les investigations sont normales ou montrent des anomalies compatibles avec une crise de MH et si la symptomatologie clinique est entièrement compatible (début progressif et succession des signes neurologiques puis récupération totale), un diagnostic de possible première crise de MHF peut être proposé si l’histoire familiale est positive. Lorsque l’histoire familiale est négative, aucun diagnostic précis ne peut être établi avant la survenue de la seconde crise.

Les crises sévères de MH avec confusion, coma, déficit prolongé et fièvre posent des problèmes diagnostiques y compris lorsqu’elles surviennent chez un patient connu pour être atteint d’une MHF ou d’une MHS. Elles doivent être systématiquement explorées pour éliminer une cause infectieuse ou vasculaire. En raison du risque de défaillance respiratoire et d’oedème cérébral, il est important d’hospitaliser systématiquement ces patients pour surveillance jusqu’au retour à la conscience.

Des crises de MH peuvent faire partie du tableau clinique (il s’agit alors d’un symptôme) de diverses autres maladies neurologiques dont le pronostic global est plus sévère que la MHF : certaines artériopathies héréditaires dont le CADASIL ou l’angiopathie amyloïde, certaines maladies mitochondriales comme le MELAS.

Les principales indications du diagnostic moléculaire de MH sont principalement :

  • les cas sporadiques avec des crises particulièrement sévères (comas récidivants) ou des signes permanents autres qu'une ataxie
  • les cas familiaux atypiques par leur sévérité ou leur présentation par rapport aux autres membres de la famille.

La découverte d'une mutation pathogène de CACNA1A, d’ATP1A2 ou de SCN1A peut alors permettre d'éviter l'errance diagnostique. En revanche, la découverte d'une mutation ne modifie pas la prise en charge de ces patients tant au plan du traitement qu'en ce qui concerne la prise en charge et le diagnostic des crises sévères.

Le diagnostic moléculaire de MH n'a aucune indication en anténatal ou chez les sujets asymptomatiques au sein de familles de MHF, car le pronostic de cette affection est le plus souvent bénin et il n'existe pas de mesure préventive à instaurer.

Le diagnostic génétique comporte des limites en terme de spécificité et de sensibilité. Sa sensibilité est faible (voisine de 60%) car d’une part, les trois gènes testés ne sont responsables que de 60 à 70% des cas de MHF, et d’autre part, la technique de criblage actuellement utilisée ne permet pas de détecter toutes les mutations. Sa spécificité est également incomplète: une mutation peut être un polymorphisme non pathogène. Une mutation doit remplir des critères stricts pour être considérée comme responsable de la maladie.

Dans les formes familiales, ces critères sont: une co-transmission avec la maladie dans la famille, une absence dans une large population contrôle, et une altération d'un domaine fonctionnel important de la protéine. Dans les formes sporadiques, les critères de certitudes sont: une mutation déjà identifiée dans une forme familiale de MH ou une mutation de novo certaine (absente chez les parents biologiques). En l'absence de ces deux derniers critères, ne peuvent être retenues que les mutations qui sont absentes dans une large population contrôle et qui altèrent un domaine fonctionnel important de la protéine.

En pratique, il est donc indispensable de prélever et d'analyser le cas index et les deux parents de ce cas, qu'il s'agisse d'une forme familiale ou sporadique.

Prise en charge

Dans les très grandes familles de MHF comportant plusieurs générations de sujets atteints, les patients adultes consultent peu car ils savent que le problème est familial et, qu’avec un certain fatalisme, ils se reposent lors des crises en attendent plus ou moins tranquillement de récupérer. Les patients vus en consultation sont donc souvent des enfants lors des premières crises pour lesquels les parents sont plus inquiets que pour eux-mêmes, des patients de tous âges ayant des crises sévères ou atypiques, des patients ayant des crises fréquentes et invalidantes et des cas sporadiques.

 La première étape est d’établir le diagnostic et d’informer les patients sur la nature de la maladie.

Les facteurs déclenchant des crises doivent être recherchés et combattus. Par exemple, les sports comportant un risque important de traumatisme crânien seront plutôt déconseillés. Les conseils d’hygiène de vie sont utiles (horaires de sommeil réguliers, ne pas sauter de repas, pratique régulière d’une activité physique, lutter contre le “stress”).

Les traitements médicamenteux sont utiles mais s’avèrent souvent décevants : les traitements de crise visent à réduire la céphalée accompagnant l’aura et les traitements de fond ont pour objectif de diminuer la fréquence des crises.

Aucun traitement efficace sur l’aura et facilement administrable n’existe, même si quelques publications concernant chacune un très petit nombre de cas font état d’une amélioration de l’aura après administration de kétamine intranasale, de naloxone IV ou de vérapamil IV.

Les traitements spécifiques « vasoconstricteurs » de la céphalée migraineuse (dérivés ergotés et triptans) ne sont pas recommandés dans la MHF ou la MHS. Lors des crises typiques, les patients peuvent donc utiliser des antalgiques simples, de l’aspirine ou des AINS pour diminuer les céphalées et des anti-nauséeux si nécessaire. Ces traitements doivent être pris le plus tôt possible au cours de l’aura et avant même le début de la céphalée pour prévenir ou diminuer l’intensité de la céphalée ultérieure, par analogie avec ce qui se pratique dans les migraines avec aura typiques.

Les crises sévères avec confusion, coma, fièvre et crises d’épilepsie nécessitent diverses mesures symptomatiques : hospitalisation en soins intensifs, oxygénothérapie ou ventilation selon les cas, antipyrétiques, antalgiques IV et antiépileptiques. 

La fréquence moyenne des crises de MH étant faible (3 ou 4 par an), le traitement de fond est inutile chez la plupart des patients. Chez les patients ayant des crises fréquentes ou souhaitant un traitement de fond (dont l’objectif est de réduire la fréquence des crises), plusieurs molécules peuvent être proposées. Les béta-bloquants peuvent être utilisés, bien qu’une aggravation des crises sous propranolol (Avlocardyl) ait pu être rapportée (cette aggravation pourrait être liée à l’évolution naturelle de la maladie et à l’inefficacité du traitement plus qu’à un effet délétère direct).  Le vérapamil (Isoptine) a été proposé. Dans les MHF avec signes cérébelleux permanents, l’acétazolamide (Diamox) peut être essayé (500 mg/j en deux prises). Compte-tenu de l’hyperexcitabilité du cortex cérébral, des anti-épileptiques comme le valproate de sodium, le topiramate et dans une moindre mesure la gabapentine peuvent être proposés en raison de leur efficacité démontrée en traitement de fond de la migraine, de façon générale. De plus, la migraine avec aura typique ou la MHF/MHS pourraient répondre à des antiépileptiques inefficaces dans la migraine sans aura. Ainsi, la lamotrigine pourrait avoir une efficacité préventive sur la migraine avec aura dans des études en ouvert (incluant des cas de MH). Des doses comprises entre 75 et 150 mg de lamotrigine ont été évaluées.

Chez les patients atteints de MHF/MHS associée une épilepsie, le traitement de fond est celui de l’épilepsie. En revanche, la survenue de crises partielles ou généralisées uniquement au cours d’une crise de MH sévère, sans association à une épilepsie par ailleurs, n’est pas une indication formelle à un traitement antiépileptique au long cours.