Maladie et Syndromes de Moya-Moya

Définition

Le syndrome ou la maladie de « Moya-Moya » est utilisé pour définir la présence d’un réseau vasculaire anormal, se développant en raison d’une sténose progressive (rétrécissement) des artères situées à la base du cerveau (terminaison de l’artère carotide interne et début de ses branches : artère cérébrale antérieure et artère cérébrale moyenne). Ce réseau vasculaire anormal apparait progressivement pour compenser la réduction des flux sanguin en aval des sténoses des artères de la base du crâne. Il prend souvent un aspect « nuageux » ou en « volutes de fumée »  qui se traduit en japonais par « Moya-Moya ».

Ce réseau anormal vasculaire peut se développer lorsque le rétrécissement des artères de la base du crâne survient dans le cadre d’une maladie générale ou locale déjà connue. On utilise alors le terme de syndrome de « Moya-Moya ». Lorsqu’aucune maladie n’est associée aux anomalies artérielles, on préfère utiliser le terme de maladie de « Moya-Moya ».

Epidémiologie

La fréquence de la maladie varie en fonction des populations. Au Japon, où la maladie est la plus fréquente, le diagnostic de Moya-Moya est évoqué au cours d’un examen radiologique en l’absence de tout symptôme dans 1 cas sur 2000. La prévalence de la maladie de Moya-Moya est estimée à environ 3 cas sur 100000, son incidence (nombre de nouveaux cas) est estimée à 0,84 cas pour 100.000 habitants par année.

En Europe et aux Etats-Unis, la maladie de Moya-Moya serait de 10 à 20 fois moins fréquente. Le nombre de nouveaux cas aux Etats-Unis est de 0,086 cas/100.000 habitants par année, mais il varie entre 0,03 chez les non-asiatiques et 0,3 cas/100.000 habitants par année chez les asiatiques.  En France, une enquête nationale a permis d’évaluer l’incidence des cas de Moya-Moya dans la population pédiatrique à 0.06 cas/100.000 habitants par année. Cette enquête suggère que le nombre de patients atteints d’un syndrome ou d’une maladie de Moya-Moya sur le territoire national pourrait être estimé à quelques centaines (< à 1000). 

En Asie et en Europe, la maladie semble plus fréquente chez les femmes (1,3 à 2,4 femmes pour un homme atteint).

Au Japon, une forme familiale est identifiée dans 6 à 12% des cas.

Description clinique

Les manifestations cliniques de la maladie peuvent débuter à tout âge. Cependant, les premiers symptômes surviennent dans la moitié des cas avant l’âge de 10 ans (maladie de Moya-Moya de l’enfant), puis plus fréquemment entre l’âge de 25 et 50 ans (forme adulte).

La maladie de Moya-Moya peut être responsable chez l’adulte :

  • d’accidents ischémiques cérébraux transitoires ou constitués (infarctus cérébral) dans environ la moitié des cas (ils peuvent être responsables par exemple d’une hémiplégie brutale, d’un trouble du langage…), parfois déclenchés par une hyperventilation (souffler dans un instrument de musique, un ballon, grande chaleur ou boisson chaude) ou favorisés par une baisse de la pression artérielle.
  • d’hémorragies cérébrales essentiellement dans la forme adulte (20% des cas), plus rarement chez l’enfant
  • de céphalées qui peuvent être brutales et accompagner la survenue d’un infarctus ou d’une hémorragie cérébrale (observées dans 20 à 60% des cas à l’occasion du diagnostic)
  • de crises d’épilepsie qui peuvent survenir, le plus souvent après une hémorragie ou un infarctus cérébral dans environ  1 cas sur 5
  • de troubles cognitifs (troubles de la concentration, du langage, de la mémoire etc….) qui peuvent apparaître brutalement à l’occasion d’un infarctus ou d’une hémorragie cérébrale ou progressivement en raison d’une atrophie cérébrale
  • de mouvements anormaux qui sont rarement décrits

Le syndrome de Moya-Moya observé chez l’adulte associe les troubles neurologiques en rapport avec la maladie vasculaire cérébrale et les manifestations de la maladie associée responsable du réseau anormal de vaisseaux de type Moya-Moya.

Etiologie/physiopathologie

La maladie de Moya-Moya débute par une sténose (ou rétrécissement) des artères de gros calibre situées au niveau de la base du crâne. L’examen anatomopathologique des lésions artérielles révèle une hyperplasie fibrocellulaire de l’intima (face interne de la paroi artérielle) en rapport avec la présence de cellules musculaires lisses actine positives. Cette hyperplasie intimale est associée à un amincissement de la média (partie centrale de la paroi). La lumière artérielle, mais également le diamètre extérieur des artères apparaissent diminués. Les mécanismes conduisant à ces modifications progressives de la paroi artérielle demeurent indéterminés. Les lésions observées ne sont pas inflammatoires ni en rapport avec de l’athérome.

Le rétrécissement très lent et progressif des artères de la base du crâne serait à l’origine: 1) de la dilatation des vaisseaux déjà existants en aval de la sténose (les vaisseaux existants se dilatent au maximum pour compenser la baisse de l’apport sanguin) et 2) du développement de nouveaux vaisseaux par le biais de la production de facteurs angio-géniques (facteurs stimulant la croissance de nouveaux vaisseaux) au niveau du tissu cérébral mal irrigué. C’est le développement de ce nouveau réseau vasculaire « anormal » qui est à l’origine de l’aspect très particulier observé à l’examen artériographique et caractéristique de la maladie de Moya-Moya (développement des petits vaisseaux nombreux et regroupés en « volutes de fumée »).  Malgré le développement de cette « néo-vascularisation », le défaut d’irrigation cérébrale peut rester insuffisant et être à l’origine d’infarctus cérébraux. Cette « néo-vascularisation » composée surtout de petits vaisseaux très fragiles favorise d’autre part, la survenue d’hémorragies cérébrales.

La physiopathologie de la maladie de Moya-Moya demeure inconnue. Au Japon, l’observation dans 6 à 12% des cas de forme familiale de maladie de moyamoya suggère l’implication de facteurs génétiques. Les patterns de transmission observés sont variables et évoquent, selon les études, des modes de transmission autosomique dominant, autosomique récessif, récessif liés à l’X et une hérédité multifactorielle. Des analyses de liaison genétique conduites dans des familles japonaises ont suggéré que les anomalies moléculaires responsables de la maladie de moya-moya pourraient être localisées au niveau des loci 3p24.2-p26, 6q25, 8q13, 12p12 et surtout au niveau du locus 17q25. Une étude sur génome entier réalisé en 2011 sur une série de patients Japonais atteints de maladie de Moya-Moya (étude de type GWAS) suivie de plusieurs travaux allant dans le même sens suggèrent fortement que le gène RNF213, localisé en 17q25, est un gène de susceptibilité (nécessitant l’implication d’autres gènes ou de facteurs environnementaux pour jouer un rôle dans la survenue de la maladie). Cette association n’a pas été reproduite dans les populations occidentales. A ce jour, aucun gène ayant un rôle causal vis-à-vis de la maladie de moya-moya n’a été identifié.

Les syndromes de Moya-Moya surviennent au cours d’affection cérébrale ou générale bien identifiée. Il peut s’agir d’affections génétiques multisystémiques ou d’affections acquises. Les affections les plus fréquemment associées au syndrome de moya-moya sont :

  • l’angiopathie post-radique
  • la drépanocytose
  • la neurofibromatose
  • la trisomie 21

D’autres affections génétiques très rares mais s’exprimant parfois voire le plus souvent par un syndrome de moya-moya ont été identifiées. Il s’agit du syndrome de Turner, du syndrome de Noonan, du syndrome de Costello, du syndrome d’Alagille et d’affections en rapport avec des anomalies des gènes ACTA2, GUCY1A3, MOPD2 et BRCC3-MTCP1.

Des affections acquises distinctes de l’angiopathie post-radique sont également impliqués beaucoup plus rarement dans la survenue d’un syndrome de Moya-Moya. Il s’agit de l’athérosclérose des artères de la base du crâne, des artérites d’origine toxique, infectieuse ou observées au cours de certaines maladies inflammatoires des artères de la base du crâne, de forme intracrânienne de dysplasie fibromusculaire, de tumeurs de la base du crâne, de syndrome des antiphospholipides ou de maladie de Basedow.

Diagnostic

Le diagnostic de la maladie ou d’un syndrome de Moya-Moya est toujours évoqué à partir des résultats d’un scanner cérébral, d’une imagerie par résonance magnétique cérébrale ou d’un examen des vaisseaux (angioscanner, artériographie)  du cerveau. Le plus souvent cet examen est effectué à l’occasion d’un déficit neurologique ou de céphalées.

Le diagnostic de certitude de maladie de Moya-Moya selon les recommandations du ministère de la santé du Japon est basé sur la présence des critères suivants à l’artériographie, en IRM (imagerie par résonance magnétique) avec ARM (angiographie par résonance magnétique) ou à l’autopsie:

  • sténose ou occlusion de la portion terminale de l’artère carotide interne, de la portion initiale (A1) de l’artére cérébrale antérieure ou de la portion initiale (M1) de l’artère cérébrale moyenne
  • présence d’un réseau artériel anormal
  • bilatéralité des deux premiers critères
  • absence d’une cause de syndrome de Moya-Moya : athérosclérose des artères de la base du crâne, maladie auto-immune, méningite, tumeur (de la base du crâne), trisomie 21, neurofibromatose de type 1, traumatisme crânien, irradiation de la tête, autre pathologie

Le diagnostic de maladie de Moya-Moya « probable » sera retenu lorsque le caractère bilatéral des anomalies vasculaires est absent.

Les formes unilatérales de maladie de Moya-Moya (maladie « probable ») sont plus fréquentes chez l’adulte. Dans une étude japonaise, 7% des formes unilatérales au moment du diagnostic sont devenues bilatérales durant le suivi de 6 ans.

Prise en charge - traitement

Le traitement de la maladie de Moya-Moya est complexe et doit être discuté par des équipes multidisciplinaires, associant en particulier des neurologues, des neurochirurgiens et des anesthésistes.

En fonction de l’âge, de l’état général, du type de lésions cérébrales (infarctus ou hémorragies), du stade de la maladie, différentes options thérapeutiques peuvent être choisies :

  • l’abstention de tout traitement médical ou chirurgical
  • un traitement médical : traitement antiagrégant plaquettaire (en cas d’évènement ischémique cérébral et en l’absence d’hémorragie), antiépileptiques en cas de crises d’épilepsie
  • un traitement chirurgical : il est proposé pour améliorer l’état circulatoire au niveau cérébral (lorsque certaines zones du cerveau souffrent ou risquent de souffrir en raison d’une irrigation insuffisante), plusieurs techniques chirurgicales sont envisageables, elles doivent être discutées au cas par cas au sein d’une équipe multidisciplinaire dans un centre spécialisé.
  • revascularisation indirecte : mise au contact du cerveau d’un tissu contenant beaucoup de vaisseaux pour que ces vaisseaux se développent dans les zones mal irriguées du cerveau (technique appelée « synangiogése »), la multicrâniostomie (terme qui signifie plusieurs trous dans le crâne) est correspond à une des techniques de synangiogèse et consiste à réaliser de multiples petits trous dans le crâne de façon à permettre à des vaisseaux du cuir chevelu de se développer en traversant les trous du crâne, à la surface et vers l’intérieur du cerveau dans les zones mal irriguées
  • revascularisation directe : réalisation d’une anastomose temporo-sylvienne (anastomose = communication entre 2 conduits) qui consiste à réaliser une communication entre l’artère temporale qui est à l’extérieur du crâne et l’artère cérébrale moyenne qui est au niveau du cerveau, de façon à apporter du sang de l’extérieur du crâne vers le cerveau mal irrigué

Ces différents traitements sont parfois associés. Ils sont discutés en fonction du stade, de l’âge, des possibilités techniques et de l’évolution de la maladie. 

Evolutivité - Pronostic

L’histoire naturelle de la maladie et du syndrome de Moya-Moya est mal connue car l’évaluation du pronostic chez les patients non opérés se limite à quelques dizaine de cas au maximum. Chez l’adulte, après le diagnostic, l’évolution au niveau artériel est très variable. Elle peut se faire très lentement, sur plusieurs dizaines d’années ou être beaucoup plus rapide sur quelques mois. Le pronostic dépend principalement de la gravité des séquelles des accidents vasculaires cérébraux survenant au cours de la maladie. Lorsque la maladie de Moya-Moya est certaine (atteinte bilatérale), qu’elle a déjà été responsable d’un infarctus cérébral, le risque de survenue d’un nouvel accident vasculaire cérébral atteindrait 10 à 15% par année environ en l’absence de traitement chirurgical et une déterioration de l’autonomie serait observée dans 20% des cas à 5 ans. Certaines études suggèrent que ce risque serait réduit de 2 ou 3 fois environ par les traitements chirurgicaux permettant d’améliorer la perfusion cérébrale. La supériorité du traitement chirurgical, probable pour certains patients, doit cependant être avancée avec prudence en raison de l’absence d’études comparative randomisées et des connaissances limitées concernant les facteurs prédictifs d’un mauvais pronostic.