Thromboses Veineuses Cérébrales

Définition

Les thromboses veineuses cérébrales sont dues à la formation de caillots (thrombus) au niveau des veines du cerveau. Elles représentent une cause rare d’accidents vasculaires cérébraux.  Elles peuvent être à l’origine de troubles de l’évacuation du liquide céphalo-rachidien et responsable d’hypertension intracrânienne, provoquer des lésions cérébrales à type d’hémorragies ou d’infarctus, parfois dans de multiples localisations. Leur diagnostic est parfois difficile. Leur pronostic est bien meilleur que celui des accidents artériels cérébraux.

Epidémiologie

L’incidence réelle des TVC demeure mal connue (nb de nouveaux cas par année), on estime cependant que les TVC représenteraient actuellement environ 0,5% de la totalité des accidents vasculaires cérébraux. Elles surviennent à tout âge avec une légère prédominance chez les femmes jeunes en raison de facteurs favorisant spécifiques comme les contraceptifs oraux, la grossesse et l’accouchement.

Description clinique

Les manifestations cliniques au cours des TVC ne sont pas spécifiques.

Les symptômes le plus fréquents sont les céphalées (85%) qui peuvent être de tout type, les déficits focaux (40% ; déficit moteur, et/ou sensitif, troubles du langage…) et les crises comitiales (40%, partielles ou généralisées). Les troubles de la conscience sont constatés chez environ un tiers des patients. Une autre particularité des TVC est la grande variabilité d’installation des symptômes à la différence des accidents ischémiques artériels: 50% sur quelques jours (jusqu’à 1 mois), 20% de façon aiguë et 30% sur plus d’1 mois. L’absence de tableau clinique pathognomonique implique donc le recours rapide aux examens complémentaires pertinents.

Etiologie/physiopathologie

La thrombose peut atteindre n’importe quel sinus ou veine du système veineux cérébral avec cependant par ordre de fréquence décroissante les sinus latéraux et sagittal supérieur, le sinus droit et le sinus caverneux. Le plus souvent plusieurs sinus et/ou veines sont atteints en même temps. Ceci, ajouté au fait que le nombre et le territoire des veines corticales sont variables, explique qu’il n’y ait pas de syndrome anatomo-clinique bien défini comme dans les infarctus artériels.

Les lésions cérébrales des TVC sont variables. Leur type et leur nombre sont fonction du siège de la thrombose, notamment de l’atteinte des veines cérébrales et des possibilités de suppléance anastomotiques. Un œdème cérébral peut être la conséquence unique de l’occlusion d’un sinus alors que l’occlusion d’une veine cérébrale conduit habituellement à la constitution d’un infarctus veineux. Celui-ci comporte un œdème plus important et une composante hémorragique plus fréquente que l’infarctus d’origine artérielle, pouvant aller en cas d’occlusion veineuse jusqu’à la présence d’un véritable hématome. Cette composante hémorragique explique la possibilité de survenue d’hémorragie sous-arachnoïdienne et même d’hématome sous-dural.

De multiples étiologies et facteurs favorisants ont été impliquées dans les TVC. Ce sont schématiquement toutes les causes de thrombose veineuse périphérique auxquelles viennent s’ajouter les causes locales (traumatisme crânien, infection de voisinage, tumeur cérébrale…). Certaines causes sont en elles-mêmes une urgence thérapeutique, comme les infections par exemple (mastoïdite, méningite….) et nécessitent tout autant que la TVC un diagnostic et un traitement adapté rapides. Il est fréquent que plusieurs causes ou facteurs favorisants soient associés ce qui implique la nécessité d’un bilan étiologique complet systématique même en cas d’étiologie apparemment évidente.

Diagnostic

Lorsque le diagnostic de thrombose veineuse cérébral est évoqué, le scanner cérébral est l’examen de débrouillage qui permet dans un premier temps d’éliminer les principaux diagnostics différentiels. Parfois certains signes peuvent orienter vers le diagnostic de TVC comme, sur le scanner sans injection, une hyperdensité spontanée de la thrombose dans le sinus ou, beaucoup plus rarement, au niveau d’une veine corticale (signe de la corde). Sur le cliché avec injection, on peut parfois visualiser le signe du « delta » ou du « triangle vide » correspondant à la prise de contraste des parois richement vascularisées du sinus sagittal supérieur, contrastant avec la non-injection de la lumière thrombosée.

Le diagnostic est le plus souvent confirmé sur l’IRM cérébrale. Sur les coupes parenchymateuses, la thrombose se caractérise par une modification du signal intravasculaire, variable selon l’âge de la thrombose et le type de séquence pratiqué. A la phase d’état de la thrombose (2ème et 3ème semaines), un hypersignal à l’intérieur de la lumière vasculaire remplace l’hyposignal normal du flux circulant en T1 et T2 et permet d’affirmer le diagnostic. Avant le 5e jour, l’IRM peut être faussement négative en raison d’un isosignal en T1 et d’un hyposignal en T2. Au delà de la 3e semaine, l’hypersignal peut disparaître en T1 mais peut persister en T2, sauf en cas de reperméabilisation traduite par la réapparition d’un isosignal. La séquence pondérée en écho de gradient T2* (très sensible à la présence de sang) permet de visualiser aussi le thrombus au sein des veines ou sinus comme un hyposignal très facilement identifiable, plus visible que les variations de signal observées dans les autres séquences.

Les modifications de signal du sinus occlus peuvent parfois manquer, surtout dans les tous premiers jours ou être d’interprétation difficile. Il est alors essentiel de pratiquer un examen angiographique (pour visualiser les veines cérébrales) qu’il s’agisse d’une veinographie par résonance magnétique, d’un angioscanner ou même d’une angiographie conventionnelle (injection d’un produit de contraste par voie artérielle). Ces examens montrent que le sinus thrombosé n’est alors plus visible.

Le dosage des D–diméres peut être utile au diagnostic en raison de la valeur prédictive négative d’un taux inférieur à 500 ng/mL.

La ponction lombaire, en l’absence de contre-indication, reste très souvent indispensable dans la prise en charge des TVC. Elle permet de mesurer la pression d’ouverture du LCR, mais également de soulager rapidement une hypertension intracrânienne menaçant les nerfs optiques. L’étude du liquide cérébro-spinal est également utile, en urgence, dans les formes fébriles pour éliminer une méningite, et de façon plus générale, dans les formes sans cause apparente à la recherche d’une méningite chronique.

Prise en charge et traitement

Bien que l’évolution des TVC soit beaucoup moins sévère que ne le laissaient supposer les anciennes séries, elle n’en demeure pas moins d’une grande variabilité. Certains cas peuvent évoluer en quelques jours soit vers une issue fatale, soit vers une guérison totale, soit vers la persistance de séquelles.

On distingue 3 approches pour le traitement :

  • Le traitement étiologique (de la cause) lorsque cela est possible, est particulièrement important dans les formes d’origine infectieuse. De même un traitement spécifique peut être nécessaire au cours de certaines maladies générales (cancers, hémopathies, maladies systémiques…).
  • Le traitement des symptômes doit toujours être réalisé.
    • Le traitement antiépileptique est réservé aux formes avec crises d’épilepsie. Il n’y a pas de préférence pour une molécule particulière. Le traitement est habituellement poursuivi pendant 1 an, puis diminué progressivement en l’absence de nouvelles crises et si l’électroencéphalogramme est normal.
    • Le traitement de l’hypertension intracrânienne est le plus souvent médical. L’acétazolamide ou la restriction hydrique sont actuellement préférés. Dans les formes avec HIC isolée, une ponction lombaire avant la mise sous héparine, associée à la prescription d’acétazolamide entraîne habituellement une amélioration rapide des céphalées et un contrôle suffisant de la fonction visuelle.
    • Le traitement antalgique est enfin le plus souvent indispensable à la phase aiguë en raison de céphalées parfois intenses. Elles sont habituellement rapidement améliorées par le traitement anticoagulant et le recours aux antalgiques majeurs n’est en général pas nécessaire.
  • Le traitement anti-thrombotique ou anticoagulant (pour réduire le thrombus et son extension) repose sur l’héparine à dose curative. L’héparine est prescrite en pratique dès que le diagnostic est confirmé. Il n’y a pas de consensus sur les modalités, le type (héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire) ou la durée de ce traitement. Après quelques jours en l’absence de d’aggravation clinique, le relais est généralement pris par les anticoagulants administrés par voie orale dont la durée d’administration est fonction de la cause sous jacente (généralement de plusieurs mois). La thrombolyse, associée ou non aux manœuvres mécaniques de désobstruction (introduction d’une sonde par voie intra-vasculaire pour mobiliser le caillot) reste pour l’instant un traitement d’exception, réservé aux formes qui s’aggravent malgré un traitement médical bien conduit.

Evolutivité – Pronostic

Autrefois considérées comme presque toujours mortelles, les TVC ont aujourd’hui une mortalité à la phase aigue inférieure à 5% et évoluent le plus souvent vers une récupération sans séquelle.

Certains facteurs pronostiques de gravité ont pu être identifiés:

  • l’âge avec une mortalité élevée aux extrémités de la vie (enfant et sujet âgé)
  • la présence de signes focaux ou d’un coma
  • l’existence d’un infarctus hémorragique et d’un signe du delta au scanner
  • l’atteinte du système veineux profond ou des veines de la fosse postérieure
  • surtout l’étiologie sous-jacente en particulier les thromboses septiques

Les capacités de récupération fonctionnelle sont trés importantes. Des séquelles persistent chez moins de 15% des patients. Il s’agit le plus souvent de déficits focaux, rarement de séquelles visuelles avec atrophie optique après une hypertension intracrânienne de diagnostic trop tardif.